Quatre grands groupes ethniques débordant largement les différentes frontières se partagent l´espace ivoirien. Il s´agit dans le nord-ouest et l´Ouest jusqu´au Bandama du groupe Mandé, lui-même subdivisé en Mandé du Sud à la limite Nord de la forêt et comprenant les Dan ou Yacouba et les Toura, les Gouro, les Mandé du Nord représentés par les Malinké et les Dioula. Le groupe Voltaïque dans le nord-est avec les Sénoufo autour de Korhogo, les Koulango dans la région de Bondoukou-Bouna, les Lobi également localisés à Bouna dans l´extrême nord-est. Et le troisième groupe, celui des Krou se situe dans le Sud forestier à l´Ouest du Bandama avec comme sous groupes les Krou, dans la région de Tabou, les Wê (Guéré, Wobé) autour de Guiglo-Man, les Bété, dans le triangle Daloa-Gagnoa-Soubré, les Bakwé, les Godié et les Dida sur l´axe Issia, Lakota, Divo. Le groupe Akan enfin réparti entre les « Lagunaires », au sud, et le groupe Agni-Baoulé dans le Centre, le sud-est et l´Est. Résultat d´immigrations commencées pour les plus anciennes vers la fin du XVe siècle, la mise en place de la population achève de s´effectuer au cours du XIXe siècle. Ce siècle se caractérise, en effet, par « une accélération du processus de peuplement à l´intérieur de la Côte d´Ivoire, il est aussi marqué par les échanges ou des interpénétrations de groupes, résultat d´un élargissement des zones de culture dans certaines régions, de l´attraction de zones aurifères, ou encore dans le Nord particulièrement, de la conjonction de motifs politiques (constitution de nombreux petits royaumes) et économiques (l´expansion d´agents économiques dynamiques comme les dioula), de faits sociaux notamment le problème de l´esclavage domestique dans certaines de ces sociétés ». Patrilinéaires, en ce qui concerne les Mandé et les Krou, ou matrilinéaires pour les groupes Voltaïques et Akan, ces différents groupes ethniques ont développé des systèmes d´organisation politique, économique et sociale qui permettent à travers leurs structures internes et les différentes activités sociales et économiques qui les caractérisent, d´identifier les différents acteurs: agriculteurs, commerçants, artisans, guerriers, esclaves..., de définir leur rôle et leur place dans la société
À l´initiative du prince Navigateur, les Portugais Joào de Santarem et Pero Escobar découvrent le littoral ivoirien en 1470-1471 et jusqu’à la fin du xvie siècle, les seuls Européens présents sur le littoral ivoirien sont Portugais. Ils seront rejoints à la fin du xvie siècle par les Hollandais puis au xviie siècle par les Français et les Anglais. Ces Européens entretiennent des relations religieuses, parfois politiques mais surtout commerciales avec les populations du littoral ivoirien. L’abondance de l’ivoire donne à cette partie du territoire africain le nom de Côte de l’ivoire. Également appelée, à cause des relations difficiles avec les habitants, Côte des mal gens.
Le commerce concerne divers produits tropicaux, mais il est surtout dominé par la traite négrière. L’esclave est le produit des guerres tribales, le fruit d’une mise en gage ou le résultat d’une décision judiciaire. Certaines personnes sont esclaves de naissance, héritant ainsi du statut de leurs ascendants. La traite négrière constitue au xviiie siècle l’essentiel des échanges entre les populations côtières et les marchands européens. La Côte d´Ivoire qui reste jusqu´au xixe siècle, un réel espace de traite mais d´importance relativement moindre comparativement au Bénin ou au Nigéria, subit également les conséquences négatives du phénomène. L´on enregistre de nombreux morts, une diminution de la natalité, la rapide diffusion d´épidémies, des famines ainsi que l´exacerbation des guerres tribales. La déstructuration des systèmes politiques et sociaux traditionnels s´accentue, en raison de l´apparition de nouvelles hiérarchies sociales constituées par des personnes enrichies à l´aide de la traite négrière, comme partout ailleurs.
Le xixe siècle apporte ainsi de profondes mutations sur le plan des organisations sociales traditionnelles et la création de nouvelles valeurs fondées sur la richesse, qui s´estime à la quantité de produits détenus (produits vivriers, cheptel, vêtements, poudre d´or, armes à feu) et au nombre d´individus sur lesquels l´autorité est exercée. Dans cette perspective, les femmes, les enfants et les esclaves qui dépendent d´une même personne constituent pour celle-ci, non seulement des ouvriers agricoles et des défenseurs du lignage, mais également une possibilité d´accroissement des alliances avec les autres familles, par le mariage.
De nombreux petits royaumes, qui se sont constitués dans l´espace ivoirien au cours des XVIIe et XVIIIe siècles et vont s´affaiblir de leurs dissensions internes et leurs affrontements fratricides avant de succomber aux assauts répétés des colonnes françaises dans un contexte général de dépeuplement progressif du continent noir, suite à quatre siècles ininterrompus de traite négrière et de guerres intestines. Les conquêtes coloniales suivies elles-mêmes de divers systèmes de travaux forcés ne feront qu´accentuer ce mouvement et aggraver d´autant le déficit démographique. Liée à des causes historiques, la répartition des populations est également soumise à l´influence du milieu. Ces facteurs vont déterminer, en partie sinon grandement, les conditions de la pénétration coloniale, celles de la conquête et de la mise en valeur. En effet, les migrations qui affectent les populations de la future colonie, tel le grand mouvement agni vers l´Est, les guerres et les massacres dont les régions du Nord en particulier ont été le théâtre ne pouvaient manquer d´influer sur le peuplement de ces différentes régions et expliquer, pour certaines, la faible densité démographique, le genre de vie de ces populations et surtout leur réaction vis-à-vis de la colonisation.
L´abolition de l´esclavage en 1815 au Congrès de vienne, réaffirmée en 1885 au Congrès de Berlin , ouvre la voie au développement de nouvelles relations commerciales entre les populations ivoiriennes et les nouveaux acteurs européens qui font leur apparition sur leurs sols. En dépit d´une concurrence anglaise tenace et parfois l´hostilité des populations locales, des comptoirs français sont installés à Assinie et Grand-Bassam (Côte du sud-est) en 1843 et, en 1857, le fort de Dabou est édifié.
Érigée en colonie autonome par le décret du 10 mars 1893, la colonie de la Côte d´Ivoire, la plus jeune du groupe est comprise entre les 5è et la è degrés de latitude Nord et entre les 5è et 10è degrés de longitude Ouest, ce qui lui donne grossièrement la forme d´un quadrilatère de 320 000 kilomètres carrés. À l’exception de sa façade maritime, les contours de la colonie restent encore en pointillés. Ils feront l´objet de divers commissions mixtes d´abornement pour les frontières occidentale et orientale et d´ajustement interne pour la région septentrionale de mouvance également française. Ils aboutiront concrètement à séparer des populations identiques rejetées de part et d´autre de frontières artificielles ne répondant qu´aux seuls critères des intérêts en présence, ceux des puissances coloniales.
Avant la fin de la 1939-1945, les populations encore inorganisées commencent assez timidement une lutte pour l´émancipation politique, sociale et économique. Mais à partir de 1945, en Côte d´Ivoire comme dans toutes les colonies françaises d´Afrique, la vie politique s´organise en prenant appui sur le Discours de Brazzaville (1944). Plusieurs partis politiques (souvent soutenus par des syndicats) sont créés à partir de 1946 : Parti démocratique de Côte d´Ivoire (1946), Parti progressiste de Côte d´Ivoire (1947), Bloc démocratique éburnéen (1949), section ivoirienne de l´Internationale Ouvrière (1946), section ivoirienne du Rassemblement du peuple français. Les ivoiriens participent à leurs premières élections municipales ( et Grand-Bassam) et législatives. Les électeurs africains désignent Félix Houphouët-Boigny pour les représenter au français.
La Constitution de la quatrième République (France) et les lois anti coloniales (suppression du travail forcé, suppression du Code de l´indigénat ou extension de la citoyenneté française) sans changer véritablement le système colonial local, provoquent à la fois la colère des colons et la déception des populations colonisées qui durcissent leur lutte pour l´émancipation à travers des actions de plus en plus violentes conduites par les partis politiques.
La loi-cadre ouvre de nouvelles perspectives en Côte d´Ivoire par l´introduction de la réforme administrative, l´autonomie interne des colonies et l´extension des pouvoirs des Assemblées territoriales. Elle instaure également un collège unique d´électeurs et le suffrage universel. La voie s´ouvre ainsi pour l´instauration, de prime abord, de la Communauté franco-africaine après le référendum du 28 mars 1958 puis, par la suite, pour l´accession de la Côte d´Ivoire à la souveraineté internationale le 7 août 1960.
Dès l´indépendance, les institutions de l’État ivoirien sont définies et organisées par une Constitution. Celle-ci prévoit le principe de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.
Entre 1960 et 1980, les transformations de l’économie ivoirienne sont spectaculaires dans tous les domaines : agriculture, industrie, commerce et finances. Elles sont le résultat d’une politique qui fait jouer un rôle éminent à l’Etat, à l’investissement privé et aux capitaux étrangers. Cependant, depuis le milieu des années 1980, il est constaté une stagnation de cette économie consécutivement à la dégradation des termes de l´échange extérieur, au niveau très élevé des dettes de l’Etat et aux conséquences d´erreurs de gestion.
La société ivoirienne connaît cependant dans les vingt premières années de l’indépendance, non seulement une profonde mutation sociale (relèvement du niveau de vie des habitants, équipement dans les domaines sanitaire, éducatif et social) mais également une augmentation de la population avec un taux de croissance annuel moyen de 3,8% la faisant varier de 3,7 millions d’habitants en 1960 à 12,2 millions en 1988.
En octobre 1995, Henri Konan Bédié remporte à une écrasante majorité les élections contre une opposition fragmentée et désorganisée qui appelle au boycott actif. Il resserre son emprise sur la vie politique, obtient assez rapidement une amélioration des perspectives économiques, une diminution de l´inflation et effectue une tentative d´éliminer la dette extérieure.
Contrairement à Félix Houphouët-Boigny, qui a su avec prudence éviter tout conflit ethnique et a même permis l´accès aux postes de l´Administration publique à certains immigrants venus de pays voisins, sous l’ère Bédié, des intellectuels mettent en exergue le concept de l´ivoirité. Ce concept est définit d´abord comme l´affirmation de la souveraineté et de l´autorité du peuple ivoirien face aux menaces de dépossession et d´assujettissement notamment dans les domaines de l´immigration ou des pouvoirs économique et politique.
L’exacerbation des tensions politiques et sociales, les actes de défiance à l´autorité de l´État de la part des opposants mais également l´emprisonnement de plusieurs leaders de l´opposition politique, instaurent un climat fortement tendu qui conduit en décembre 1999 au renversement d’Henri Konan Bédié par des soldats mécontents. Ceux-ci placent à la tête de leur groupe, le général Robert Guéï devenu par ce fait, chef de l´État de Côte d´Ivoire. Bédié s´exile en France.
Le régime issu du putsch est marqué durant son éphémère pouvoir par des troubles militaires et civils. Le pouvoir militaire réduit néanmoins la criminalité et la corruption en usant parfois de méthodes expéditives. Il appelle les partis politiques et la société civile à la rédaction d´une nouvelle constitution et fait organiser en octobre 2000, les élections présidentielles. De nombreuses candidatures à la présidence de la République dont celles d’Henri Konan Bédié et de Alassane Dramane Ouattara sont éliminées par la Cour suprême. Le général Robert Guéï qui se proclame vainqueur du scrutin est chassé par des manifestations de rue. De violents affrontements opposent également durant quelques jours des militants du FPI à ceux du RDR. Ces différentes manifestations de rue se soldent par environ 180 morts. La Cour suprême proclame les résultats et déclare vainqueur, Laurent Gbagbo. Celui-ci initie un forum de réconciliation nationale puis nomme un gouvernement d’union nationale. Mais le 19 septembre 2002, un nouveau coup d´État se déclenche puis se transforme en rébellion armée. Le MPCI qui crée plus tard le MJP et le MPIGO forme avec ces dernières composantes le mouvement des Forces nouvelles (FN) qui occupe 60% du territoire nord de la Côte d´Ivoire. Robert Guéï est assassiné dans des circonstances non encore élucidées. Les pourparlers entamés à Lomé (Togo) permettent d´obtenir le 17 octobre 2003, un accord de cessez-le-feu qui ouvre la voie à des négociations sur un accord politique entre le Gouvernement et le MPCI sous l´égide du président du Togo, Eyadéma.
Ces négociations échouent cependant sur les mesures politiques à prendre en dépit de réunions entre les dirigeants de la CEDEAO à Kara (Togo), puis à Abidjan et à Dakar. 10 000 casques bleus de l´ONUCI dont 4 600 soldats français de Licorne sont placés entre les belligérants. Dans une nouvelle initiative, la France abrite à Linas-Marcoussis du 15 au 23 janvier 2003, sous la présidence Pierre Mazeaud, Président du Conseil constitutionnel français, secondé par le juge sénégalais Keba Mbaye, une table ronde de forces politiques ivoiriennes et obtient la signature de l´accord de Linas-Marcoussis.
Cet accord prévoit la création d´un gouvernement de réconciliation nationale dirigé par un premier ministre « fort » nommé par le Président, après consultations des autres partis politiques, l´établissement d´un calendrier pour des élections nationales crédibles et transparentes, la restructuration des forces de défense et de sécurité, l´organisation du regroupement et du désarmement de tous les groupes armés, le règlement des questions relatives à l´éligibilité à la présidence du pays et à la condition des étrangers vivant en Côte d´Ivoire. Un comité de suivi de l´application de l´Accord, présidé par l´ONU, est institué.
Cet accord est suivi par plusieurs autres, conclus en Afrique et mis en oeuvre par les gouvernements successifs de Seydou Diarra, Charles Konan Banny et Guillaume Soro nommé 1er ministre à l´issue de la signature de l´accord politique de Ouagadougou conclu entre Laurent Gbagbo et Soro Guillaume, sous l´égide de Blaise Compaoré, facilitateur. Concrètement, des programmes spécifiques ayant pour vocation de conduire la sortie de crise sont mis en oeuvre par le gouvernement ivoirien. Il s´agit d´un dispositif technique comprenant notamment, le Centre de commandement intégré (CCI) le désarmement des combattants, le Programme national de réinsertion et de réhabilitation communautaire, le Comité national de pilotage du redéploiement de l´Administration (restauration de l´autorité de l´État sur l´ensemble du territoire et reprise de fonctionnement des services publics), l´Office national d´identification (identification des populations et des électeurs) et la Commission électorale indépendante (organisation des élections).